Interview

Vous pourrez ici lire et écouter l'interview d'un ancien mineur stéphanois...
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« Je m’appelle Jean MEYER j’ai 82 ans et demi, bientôt 83ans. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à la mine, mais avec des études bien particulières. Je suis rentré à la mine à 15 ans moins 3 mois exactement, en 1939. Les groupements de compagnie de l’époque avaient créé des cours d’électromécanicien du fond en 1941 au lycée Fauriel : c’était l’école nationale professionnelle de Saint Etienne. J’y ai donc fait 2 ans : 4h à la mine de 5h à 9h et de 14h à 18h au lycée pour préparer le métier d’électromécanicien. Ensuite j’ai continué à travailler 4h à la mine, et les ingénieurs de l’époque donnaient des cours par correspondance, puis je suis rentré à l’école des Mines de Douai en 1947. Sortant de là, je suis allé travailler en Lorraine où je me suis occupé de démarrer l’électrisation des mines de Lorraine, puis je suis revenu dans la Loire en 1951. En 1962, j’ai été nommé ingénieur après avoir fait toutes les hiérarchies d’ouvriers et toutes les hiérarchies de maîtrises. J’ai ensuite parcouru toutes les hiérarchies d’ingénieur depuis le plus bas jusqu’au plus haut. J’ai terminé comme adjoint au chef de siège qui a fermé le puits Couriot en 1973, puis j’ai été au Puits Pigeot où j’ai été le patron jusqu’en 1983, l’année où l’on a fermé le puits. J’ai donc fait beaucoup d’électromécanique et beaucoup d’exploitation.

• Alors, pourquoi êtes vous devenu mineur ?

Effectivement, rien ne me prédestinait à faire autre chose, puisque mon grand père était mineur, mon père était mineur, et mon frère était mineur. J’avais des copains à l’époque qui eux allaient à la « prof », malheureusement mon père n’a pas voulu, pensant que j’irais à la mine et effectivement j’y suis allé à 14 ans et demi, et j’y ai fait toute ma carrière comme je vous l’ai dit.

• Quels postes avez-vous occupés ?

Tous ! Tous les postes, tout ce qui s’est fait au fond (au jour d’abord, parce que j’étais au jour pour trier les pierres, on appelait ça des clapeurs). Je suis rentré à la mine le 19 décembre 1939, et je suis descendu au fond le 20 décembre 1940 pour accrocher des berlines. Après, j’ai fait tous les travaux car pour entrer à l’école des Mines il fallait apprendre à piquer, à boiser. Puis j’ai fait de la mécanique comme j’étais électromécanicien, et c’est pour ça que la Lorraine m’a embauché. Il faut bien dire que jusqu’aux années 1960, il n’y avait que très peu de services mécaniques à la mine. En effet, à l’époque il n’y avait pas d’électricité au fond (uniquement dans les grandes galeries), on ne savait pas utiliser l’électricité dans les quartiers grisouteux.

• C’était donc exclusivement avec des lampes à huile ou à pétrole ?

Oui il y avait des lampes à huile mais aussi des lampes électriques sauf qu’on ne savait pas utiliser le courant sur les engins. Dans les mimes grisouteuses, on ne pouvait pas utiliser de matériel électrique sous peine de provoquer des coups de grisous dûs aux étincelles. Quand on a commencé, avec l’électricité à la mine, il y avait un chef électricien. J’ai été le premier en tant qu’agent de maîtrise, à être chef électromécanicien en Lorraine.

• Vous rappelez vous de la première fois où vous êtes descendu au fond ?

Et bien la première fois, je n’étais pas encore à la mine, c’était avec mon père et j’avais 12 ans ! Il m’avait emmené pour visiter une nouvelle installation, car on venait de mettre en service le puits Couriot en puits moderne.

• Y- avait- il une sorte de rituel avant la descente ?

Effectivement, il y avait des rituels, car tout d’abord il y avait une réglementation très sévère : il fallait en arrivant se mettre en tenue de travail, dans la salle des pendus, puis se diriger vers la Lampisterie. A l’entrée, on donnait au mineur un jeton carré, rond ou triangulaire selon qu’il soit de nuit ou de jour. Avec ce jeton, il prenait sa lampe et se dirigeait à ce moment là au puits, à la recette. A la recette du puits, ceux qui descendaient les premiers étaient en général les gens de l’abattage, les postes les plus nobles comme celui de piqueur. Alors, on donnait son jeton à l’entrée de la cage à quelqu’un qui l’enfilait sur une tringle, puis on descendait enfin au fond pour travailler. Je finirai par la remontée : on renversait la tringle, ainsi celui qui était descendu le premier remontait le premier. Une fois remonté, on remettait sa lampe à sa place à la Lampisterie (c’était du « self-service »), et on suspendait au-dessous le jeton, ce qui permettait au lampiste de vérifier que tout le monde était bien remonté. Petite anecdote à ce sujet : autour des années 50, une dame vint un matin et dit : « Je sais bien que mon mari fait la bringue en sortant le soir, mais il n’est pas rentré ! » Effectivement, le mari n’était pas rentré, et on l’a retrouvé sous un éboulement, ce qui montra que le contrôle à la remontée avait mal été fait. Depuis, avant de descendre on passait devant un bureau où étaient installés tous les agents de maîtrise. L’ouvrier savait qu’il avait affaire à tel agent de maîtrise, il se présentait devant lui, l’agent cochait comme quoi il était présent lui disait où il allait travailler, car il se pouvait qu’il ait changé de chantier. Après avoir fini de piquer, une fois être remonté et passé à la Lampisterie, il allait à la salle des pendus : le matin quand il arrivait en tenue de ville, il descendait son panier, se changeait. Au retour, il faisait l’inverse, et il allait ensuite prendre sa douche. Voila donc en quelque mots le rituel d’un mineur de fond.

• Quels étaient vos horaires de travail ?

Alors moi, comme je vous l’ai dit, j’ai travaillé un peu sur tous les postes. Quand j’étais à la « prof », je rentrais chez moi par le car de 7h, je dormais un moment (à ce moment là je travaillais de nuit), et ma mère me rappelait pour le travail de 10h du soir jusqu’à 2h du matin, pendant la guerre en particulier.

• Vous étiez donc relativement jeune à cette époque ?

Oui, j’avais une quinzaine d’années. D’abord, quand j’ai commencé à travailler, pour vous dire un peu la dureté : ce qui était dur ce n’était pas trier les pierres mais on commençait à 5h du matin jusqu’à 13h et quand ma mère venait m’appeler à 4.15h du matin c’était dur de se lever. Il y avait donc différentes plages horaires : 6-14h, 14-22h, 22-6h. En général, on ne tenait pas bien à ce que les gens tournent, beaucoup étaient habitués à leurs horaires et changer de poste toutes les semaines n’était pas intéressant. J’ai toujours le souvenir d’un de mes agents de maîtrise qui avait travaillé toute sa vie au poste 3 et quand il y a eu la récession on a supprimé ce poste, il en était malade.

• Avez-vous connu des accidents lorsque vous étiez à la mine ?

J’ai connu beaucoup de petits accidents peu importants, mais j’en ai connu un plus grave : l’accident du puits Charles en mai 1968 : il y a eu un coup de grisou, suivi d’un coup de poussière, et 6 personnes sont mortes. Je me rappelle, à l’époque j’étais à la Ricamarie, au puits Pigeot, et l’ingénieur en chef est venu me voir pour me demander de venir avec lui au puit Charles pour voir l’accident. On a vu effectivement des gens qui, tellement la chaleur était importante, avaient été « cuits ». C’est le cas de dire, puisque leur peau s’en allait. Aussi, en tant que responsable au puits Pigeot, en Août 83 (on a arrêté la production en Octobre 1983), un gars est resté au fond : il était tout seul à la recette du puits, il est passé on ne sait pas comment mais il a été surpris par l’arrivé d’une berline qui lui a roulé dessus. Il est mort d’une hémorragie interne.

• Quel était votre moment préféré de la journée lorsque vous étiez à la mine ?

Le moment préféré c’était le casse-croûte, c’était le moment agréable car on discutait ensemble. Surtout, j’ajouterais que pendant la guerre, on rencontrait des gens que l’on n’avait pas l’habitude de voir à la mine, en particulier des étudiants qui pour ne pas partir en Allemagne venaient travailler, ce qui sortait un peu de l’ordinaire.

• Egalement, la douche était un moment assez convivial, n’est-ce pas ?

Effectivement, au jour, la douche était un moment où ça chahutait entre toutes les personnes qui étaient là. Un mineur m’a raconté qu’un jour, il avait remonté de la mine un rat et l’avait lâché au milieu de cette grande lignée de douches. Vous savez aussi que tout le monde se mettait en file pour se laver le dos, qui est un endroit difficile à atteindre.

• Votre salaire vous permettait-il de vivre décemment ?

Oui, enfin jusqu’à ce que je rentre à l’Ecole des Mines je vivais chez mes parents, il n’y avait donc aucun problème. Je suis revenu de Lorraine en 1951, je me suis marié en 1952, et avec mon salaire nous vivions correctement. Même en temps qu’ouvrier, le salaire permettait de vivre comme il faut ; enfin je parle bien des mineurs de fond car il y avait 18% d’écart avec les salaires des mineurs de jour. Etre mineur avait aussi un autre avantage pendant la guerre, car on avait ce que l’on appelait des tickets de « travailleurs de force », ce qui doublait presque les rations.

• Existait-il des syndicats, et aviez-vous le droit de grève ?

Bien sur qu’il y en avait, mais à l’époque il n’y avait pas bien le choix, et pendant la guerre, tout le monde se taisait un peu, il n’y avait donc pas beaucoup de grèves, je n’en ai d’ailleurs pas connu. En fait, pendant la guerre, je ne pense pas, on n’avait pas le droit de grève.

• Pouviez vous être en arrêt maladie et être payé ?

Oui, quand on était en arrêt, on touchait la moitié du salaire (je crois), qui était payé par la caisse (ce n’était pas la sécurité sociale à l’époque mais une caisse mutuelle). Quand on était blessé, c’était la même chose mais la part du salaire était plus importante, elle devait être des 2/3 ou ¾ pour l’arrêt maladie, ce qui faisait que pendant la guerre en particulier, des gens qui avaient une petite blessure et qui s’arrangeait pour qu’elle dure : ça a existé, j’en ai connu personnellement !

• Aviez vous des congés payés ?

Oui, on y avait droit, on devait avoir droit à deux semaines de congés, depuis 1936 et les accords de Matignon.

• Où étiez vous logé ?

Chez mes parents au début, de 1939 à 1947, puis je suis rentré à l’Ecole des Mines de Douai en 1947. Quand je suis revenu de Lorraine, j’ai logé un an chez mes parents puis je me suis marié. Peu de temps après, j’ai été muté à Roche la Molière, où on était donc logé par les houillères dans une maison. C’était une cité où l’on côtoyait nos collègues de travail. Après, quand je suis devenu ingénieur, j’étais logé dans un parc, dans une maison « bien comme il faut ». C’était là qu’on voyait la différence de traitement entre ouvriers et ingénieurs.

• Cette proximité avec les autres mineurs devait tisser des liens forts : partagiez vous des activités extra professionnelles avec eux ?

Alors, un peu exceptionnellement, je dirais que non … J’ai tissé des amitiés avec des gens qui travaillaient avec moi (soit des agents de maîtrise, soit des ingénieurs), on se rencontrait beaucoup mais je n’ai pas fait partie de beaucoup d’activités, alors que beaucoup de mineurs allaient au jeu de paume, la sarbacane… Mais, comme je n’avais pas fait d’étude pendant tout le temps de ma jeunesse, je suis rentré à l’Ecole des Mines à 22 ans. J’ai donc passé mon temps à la mine et à faire les études que je n’avais pas faites avant.

• La vie de famille et le travail à la mine sont-ils compatibles ?

Je dirais qu’elle est plus compatible quand on est ouvrier que quand on est responsable : quand j’étais à la maîtrise, j’allais travailler 9 à 10 heures par jour et à peu près autant quand j’étais ingénieur, surtout quand j’étais responsable de Couriot. Mais la vie de famille en souffrait, car je ne pense pas m’être beaucoup occupé de l’éducation de mes enfants. Ma femme ne travaillant pas, c’était elle qui s’en occupait, ce qui est différent maintenant.

• Vous ne vous préoccupiez pas beaucoup de votre santé à l’époque, n’est-ce-pas ?

Oh oui, effectivement, à l’époque, on prenait pas beaucoup de précautions pour la santé. Je cite encore un cas : un gars qui est rentré en même temps que moi à la mine, et a fait à peu près le même travail que moi, a été enlevé du fond à 35 ans parce qu’il avait la silicose. C’est curieux, il y avait des tempéraments, des constitutions de corps qui faisaient que des gens étaient beaucoup plus exposés à la poussière que d’autres. On me dit que j’ai des poumons poussiéreux, mais je n’ai pas eu la silicose. Je n’ai été blessé qu’une fois à la mine, j’ai eu la jambe cassée pendant que j’étais agent de maîtrise.

• La retraite de mineurs est-elle convenable ?

Je vais citer deux cas : mon père, en tant qu’agent de maîtrise pouvait vivre correctement et moi, en tant qu’ingénieur, beaucoup mieux parce que j’étais mieux payé. La retraite de base du mineur, qu’on soit ouvrier ou ingénieur, est calculée de la même façon et avec le même taux : on compte les trimestres travaillés, et chacun a une valeur. À la retraite, il vaut tant, qu’on soit ingénieur ou peu importe, et on multiplie par le nombre de trimestres. Les mineurs à l’époque commençaient comme moi à 15 ans et la retraite à l’époque, c’était à 50 ans pour le fond et 55 ans pour le jour. Donc entre 15 et 50, on avait bien le temps de faire son nombre de trimestres. Moi, comme j’ai travaillé de 15 ans à 60 ans, j’ai fait 45 années de mine, ce qui me faisait 181 trimestres. Mais comme ce n’était pas prévu dans les statuts que le mineur en ait tant, on ne m’en paye que 160. À coté de ça, il y a eu depuis des retraites complémentaires, aussi bien pour les ouvriers avec ce qu’on appelle la caisse de l’ARRCO (Association pour le Régime de Retraite Complémentaire des Ouvriers) que pour les ingénieurs avec une caisse qui s’appelle l’AGIRC (Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres). Mais je pense qu’après la nationalisation et la création de la sécurité sociale minière, un ouvrier peut vivre. On disait souvent « femmes de mineurs, femmes de seigneurs », ce qui n’était pas toujours vrai, mais les femmes ne travaillaient pas en général, la famille vivait avec le salaire du mineur lui-même.

• L’activité étant terminée, qui finance la retraite ?

C’est le gouvernement qui finance ! Sauf les caisses complémentaires (car on a versé à une caisse complémentaire qui s’appelle le groupe MALAKOFF), eux ils versent en fonction des autres cotisants. Or, comme cette caisse ne regroupait pas que des mineurs, mais aussi des gens de l’industrie, elle est toujours alimentée. Alors que la caisse de la mine, qui s’appelle la CARMINE maintenant, n’est plus alimentée. Mais il y a encore 3000 ou 4000 personnes dans la Loire « ayant droit ». Ce sont des mineurs, des femmes et des enfants de mineurs. Mais tout ça, c’est le gouvernement qui paye puisqu’il n’y a plus de mineurs.

• Avez-vous un statut spécial en tant qu’ancien mineur ?

On n’a pas de statut spécial, enfin on a un statut ici, au groupement des Amis du Musée de la Mine, on se retrouve un certain nombre tous les mardis, mais non, il n’y a pas de statut spécial.

• Etiez-vous conscient que votre santé était mise à rude épreuve ?
C’est une question intéressante, quand j’étais gamin, en 1940, j’étais au niveau du chantier d’abattage. Je faisais marcher le moteur et il y avait un courant d’air qui remontait à l’inverse du sens des produits. Et quand le piqueur travaillait c’était de la poussière blanche qui circulait, c’est pour ça qu’il y avait tant de gens qui avait la maladie de la silicose. Je me rappelle qu’il y avait des moments où l’on ne se voyait même pas à quelques mètres tellement il y avait de la poussière. Enfin, dieu merci, j’ai résisté jusque là...

• Et les coups de poussières ?

Ah les coups de poussières, c’est pas avec celle-ci de poussière. Vous savez que la plus grande catastrophe minière française en 1906, à Courrières a fait 1099 morts. Cette grande catastrophe a ravagé des kilomètres et des kilomètres de galeries et plusieurs puits. Du fait qu’on abat du charbon ça crée de la poussière. Et cette poussière, elle est entraînée par la ventilation. Vous savez que dans la mine, le plus gros tonnage qu’on manipule, ce n’est ni charbon ni l’eau, mais l’air ! Le tonnage de l’air ! Cette poussière se dépose dans les galeries, elle est inoffensive si on la touche pas, mais si par contre, et c’était le cas à Courrières, une petite explosion ou un peu de grisou explose, bien souvent d’ailleurs, c’était un tir d’explosif mal préparé qui allumait le grisou, il se produisait de graves explosions. Je ne sais pas si vous avez chez vous une cuisinière au gaz, parfois, quand on loupe l’allumage, on entend POUF, et bien c’est le même principe, et le même gaz d’ailleurs. Cette explosion peut être plus ou moins forte, et l’onde de force de l’explosion du grisou soulève la poussière dans la galerie, qui à son tour, se comporte exactement comme un gaz, c'est-à-dire qu’elle explose. On parle souvent de coup de grisou, effectivement, c’est un coup de grisou à l’origine, mais la conséquence la plus grave, c’est le coup de poussière qui suit. Après le coup de poussière du Nord, on a crée ce qu’on a appelé les arrêts barrages. On a installé une sorte de barricade et on a mit en suspension dans les galeries des planches en équilibre presque instables avec de la poussière stérile, en cas de choc, la poussière se renverse, On a remplacé plus tard la poussière par de l’eau, l’onde de choc brise le polystyrène expansé très fragile, et c’est la quantité d’eau qui arrête la flamme : ce sont les caissons de TAFANEL. C’était très calculé, vous savez que les houillères avaient un centre de recherche qui s’appelait le centre de recherche du charbonnage de France situé près de Paris. Suite à des recherches, on savait qu’il fallait dans une galerie, 400 litres d’eau au m² pour arrêter les flammes.

• Quels moyens avait on pour lutter contre le grisou et la poussière ?

Pour la poussière, le meilleur moyen, c’est qu’il n’y en ai le moins possible, autrement dit qu’on injecte dans le charbon de l’eau de façon à ce que lorsqu’on l’abat, il y ai moins de poussière produite. Il y avait un type qui était spécialement prévu pour arroser constamment. Malheureusement, l’arrosage, compte tenu de la température qu’il y avait au fond, ça ne tenait pas longtemps, on arrosait la galerie en permanence, et puis beaucoup plus loin dans les grandes galeries, on schistifiait, c'est-à-dire qu’avec une pompe, on répandait de la poussière blanche, de la poussière stérile pour neutraliser les poussières, c'est-à-dire pour les rendre incombustibles.

• Et contre le grisou ?

Et bien le grisou, c’était un gros problème, parce qu’on s’est rendu compte très tard, dans les années 1955/1960 que le grisou ne se comportait pas comme on le pensait. On s’est rendu compte que quand la pression atmosphérique baissait, il y avait plus de grisou dans la mine. Et pourquoi ? Par un raisonnement physique simple, pression multipliée par volume égale constante, alors si la pression baisse, le volume augmente. Le jour où le baromètre baisse, le volume de grisou augmente dans le chantier. La teneur en grisou ne varie pas d’une demi journée, elle varie en quelques secondes. Dans les dernières années du matériel anti-grisouteux permettait de mesurer la teneur en grisou et à partir de 6 % la teneur idéale étant de 9 %, le grisou explose. A la mine, on prend des précautions, on n’attend pas 6 %, à 2%, on évacue les chantiers, trois fois avant le seuil possible d’explosion.

• Au début de la mine, les syndicats existaient-ils ?

Vous savez que la mine a été très tôt, en particulier dans la Loire, un pays de syndicalistes. Michel Rondet a été un des principaux leaders des grèves dans le département. Vous avez peut être entendu parler de la fusillade de la tranchée du Brûlé en 1869 où les grévistes étaient emmenés de force à la prison de Saint-Etienne. La police est intervenue et il y a eu six morts dont une femme avec son bébé dans les bras, bref c’est l’Histoire. Il y a eu des syndicats dans la Loire et Michel Rondet a été un des premiers en 1860 à créer un syndicat et aussi la première caisse de secours mutuelle qui permettait en cas d’accident mortelle ou d’accident, de payer les mineurs ou de payer les veuves. Les syndicats existent donc depuis longtemps, ils étaient toujours très actifs et nombreux: la CGT, la CFDT, la CFTC, FO, la CGC. C’est important parce que plus tard on a créé les comités d’entreprise et quand un comité d’entreprise se réunissait chaque syndicat était représenté par deux personnes. »